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Pris sur 01net.com ; textes de : Adrien Guilleminot, Newbiz

Les scandales de la machine Sacem

Chaque année, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique récolte 760 millions d'euros pour les redistribuer. Une tuyauterie archaïque qui fuit de partout.

La Sacem joue vraiment de malchance. Lorsqu'elle a voulu baptiser sa nouvelle société internationale destinée à gérer les droits d'auteur version numérique (autrement dit à contrer les pirates de l'Internet), elle a choisi... FastTrack, le nom d'un fournisseur de sites pirates*. Les intéressés auraient légitimement pu porter plainte pour contrefaçon !

Si, au moins, notre Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique ne traînait pas d'autres casseroles... Mais la Sacem, la plus importante des quinze sociétés françaises de perception et de répartition des droits (SPRD), a des petites sœurs qui vivent à ses crochets et qui, elles, accumulent allègrement les bévues.

Comment se répartissent les rôles ?

La Sacem récolte la quasi-totalité des droits d'auteur et des droits voisins sur les oeuvres musicales, la vidéo et le multimédia. Soit 762 millions d'euros chaque année. Parmi les quinze sociétés susmentionnées, deux entités sont chargées de récolter les redevances sur la copie privée : l'une pour les supports vidéo (cassettes VHS, DVD enregistrables...), l'autre pour les supports audio. Toutes deux ont donné mandat à un organisme tiers, la SDRM (Société pour l'administration du droit de reproduction mécanique) de percevoir les droits pour elles.

Mais, en fait, la SDRM fonctionne avec les équipes et les moyens de la Sacem. Même chose pour les droits liés à la diffusion d'œuvres à la radio ou à la télévision, et pour l'utilisation d'œuvres pour des produits multimédias (une musique dans un jeu vidéo, par exemple) : la Sacem, là encore, effectue tout le travail de collecte. Elle est la seule à employer des équipes (1500 agents au total) capables d'aller sur le terrain pour collecter les droits. Elle calcule ensuite les sommes à redistribuer à ses adhérents (les auteurs compositeurs) et ce qu'elle doit aux fameuses petites sociétés sœurs qui doivent elles-mêmes répartir entre leurs adhérents ce que la Sacem leur donne.

Évidemment, ce système revient à cumuler les coûts de structure. Il existe ainsi deux sociétés pour les artistes interprètes l'Adami et la Spedidam (Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes de la musique et de la danse). Deux autres sociétés concernent les producteurs : la SCPP (Société civile pour l'exercice des droits des producteurs phonographiques) et la SPPF (Société civile des producteurs de phonogrammes en France). Chaque fois, deux loyers et deux fois plus de salaires. Aberrant ? Certes. Mais ça, au moins, c'est assumé. Or ce n'est pas le cas du reste...

D'abord, il y a les droits de la musique en ligne. Les musiciens peuvent se plaindre, puisqu'ils ne touchent rien ! Aucune SPRD, pas même la Sacem, n'a été capable d'aboutir à des accords clairs avec les sites web de musique. Deux ans après le début des négociations entre la Sacem et le Geste (Groupement des éditeurs de services en ligne), seuls les téléchargements gratuits sont couverts par une convention sur les droits d'auteur.

Toutefois, à en croire Xavier Filliol, délégué de la commission musique du Geste, la situation se débloquerait petit à petit. Ce n'est pas le cas du côté des producteurs : alors qu'elles ne récupèrent que 4,5 % du chiffre d'affaires des radios hertziennes, la SCPP et la SPPF ont tenté un coup de force : elles demandent 15 % du chiffre d'affaires des web-radios. Rien que ça ! Elles craignent, il est vrai, qu'on leur refasse le coup des radios libres.

1000 dossiers de subventions ont été examinés à la va-vite !

Pourtant, la spoliation, ce sont les artistes qui la subissent, car les sociétés qui les représentent vivent sur un très (trop) grand pied. « Une vraie gabegie, notamment à l'Adami », tonne Serge Vincent. Ce comédien, associé de l'Adami, ferraille depuis dix ans contre cette société et préside l'association Protection des ayants droit.

Un rapport d'audit daté de 1997 (le seul jamais effectué sur une SPRD, alors que le ministère de la Culture est supposé exercer un contrôle des comptes sur toutes ces sociétés) lui donne bien raison... Les conclusions sont édifiantes. L'Adami a vu ses recettes progresser de 44 % depuis l'entrée en vigueur de la loi Lang (9 millions d'euros de droits perçus en 1987 et 32 en 1995). Mais, parallèlement, les charges ont explosé : +137 % !

Cela s'explique surtout par des lourdeurs de fonctionnement et des dépenses de prestige (le siège a longtemps été situé rue de la Paix à Paris)... Pis, les sommes que l'Adami doit consacrer à l'action artistique (un pourcentage des droits perçus est supposé servir au soutien de la création française) échappent à tout contrôle sérieux : en 1995, les commissions de l'Adami chargées d'accorder les demandes de subvention ont réussi à étudier 1135 dossiers en dix séances... Et, surtout, ces sommes attribuées à la va-vite retombent régulièrement dans la poche de l'Adami ou de ses employés.

Délai moyen de reversement des droits : treize mois et demi

L'association 3A (Association artistique de l'Adami), qui prend en charge directement certaines manifestations, a ainsi dépensé 380 000 euros en 1995... dont à peine plus de 152 000 euros affectés aux activités artistiques proprement dites. Le reste ? La communication (des dépenses qui devraient être normalement comptabilisées dans les charges d'exploitation de l'Adami), les salaires et les frais de fonctionnement. La directrice de 3A aura ainsi perçu 4 500 euros de salaire mensuel et 5 600 euros de remboursement de notes de frais - et le régisseur 22 650 euros pour concevoir des stands et mettre en place le personnel d'accueil. Les artistes ? Ils touchent des cachets royaux : 156 euros par prestation...

Bien sûr, les sociétés rivalisent d'astuces pour présenter leur gestion sous son meilleur jour. Au lieu de prendre en compte toutes les dépenses pour les rapporter aux droits encaissés, elles ne retiennent que les frais qui s'appliquent directement au processus de reversement des droits. Résultat : on arrive, en moyenne, à 16,94 % au lieu de 24,73 % !

La SCPP, par exemple, dit ne retenir, pour ses frais de fonctionnement, que 0,92 % des droits. En réalité, ses charges nettes représentent 12,57 % des montants perçus. L'an dernier, Francine Mariani-Ducray, chef du service de l'Inspection générale de l'administration des affaires culturelles au ministère de la Culture, a publié un rapport étonnamment indulgent sur la gestion des SPRD. Elle y évoque des « coûts raisonnables » et des « résultats satisfaisants ».

Pourtant, les chiffres qu'elle révèle sont loin d'être flatteurs. D'une société à l'autre, les écarts de charges de fonctionnement sont phénoménaux. Les chiffres sont tellement édifiants qu'au terme d'une empoignade parlementaire les sénateurs ont imposé la création d'une commission de contrôle des SPRD. Cette Cour des comptes « spéciale droits d'auteur » rendra ses conclusions d'ici peu.

Notamment sur la lenteur des SPRD. Toujours selon le rapport Mariani-Ducray, un ayant droit doit, en moyenne, attendre treize mois et demi entre le moment de la perception des droits par les sociétés et celui où il touche effectivement la somme qui lui est due. C'est une moyenne, car entre la Sacem, qui ne met « que » 8,2 mois à payer, et la SCPP, qui s'octroie presque deux ans et demi (exactement 28,2 mois), il y a quand même un gouffre. À quoi servent les droits tant qu'ils ne sont pas versés ? Eh bien, ils sont placés, et les revenus financiers qui en résultent sont consacrés exclusivement à assurer le bon fonctionnement des SPRD. Donc, ils n'entrent pas dans le calcul de ce que les sociétés retiennent pour leurs frais de gestion. Pratique !

Tout aussi pratique, la manœuvre qui consiste à garder en compte les sommes dues à certains artistes étrangers, soit parce qu'ils ne bénéficient pas de la convention internationale de Rome, soit « parce qu'ils n'ont pas pu être retrouvés ». Dans la liste établie par les auteurs du rapport d'audit de l'Adami figuraient trente-cinq vedettes du show-biz auxquelles elle devait plus de 30 000 euros chacun. Parmi eux, côté acteurs, Charles Bronson, Sean Connery, Mel Gibson et Roger Moore ; côté musiciens et chanteurs George Michael. Soyons justes : ces stars sont difficiles à retrouver. Elles sont sûrement sur liste rouge !

Les musiciens ne sont pas couverts automatiquement par la Sacem

Ceci dit, les artistes étrangers ne sont pas les seuls à trinquer. Le hold-up du siècle a failli réussir, et il était franco-français. En 1987, la SCPP avait signé un contrat avec Canal+ et un autre avec M6, autorisant la diffusion de clips des chansons produites par tous les adhérents de la société. Montant total : 61 millions d'euros. Joli coup ? À un minuscule détail près : nos business(mélo)man(e)s n'avaient pas pensé à prévoir une rémunération pour les interprètes de clips (les auteurs-compositeurs sont automatiquement couverts par la Sacem, mais pas les vulgaires musiciens...). Pourquoi donc partager ? Les interprètes qui ont intenté un procès en 1993 ont fait annuler le contrat après cinq années de procédure. 51 millions d'euros sont déjà retournés dans la poche des deux chaînes. Mais les chanteurs, guitaristes et autres batteurs des clips, eux, attendent toujours leur chèque !

Le dernier couac - et pas le moindre - concerne la lutte contre la piraterie. Alors que les SPRD font condamner des ados coupables de revendre des CD gravés à leurs copains, leurs propres administrateurs ne sont pas blanc-bleu. Philippe Gaviglio, producteur indépendant, a jeté un pavé dans la mare en accusant, il y a quelques années, certains membres de la SCPP de... contrefaçon.

Objet du délit ? En 1990, les éditions Atlas sortent Les Génies du jazz, une collection de disques à succès (5 millions d'exemplaires vendus). Gaviglio, le producteur du trompettiste Clark Terry (l'un de ces génies, qui n'a pas touché un centime de droits sur l'opération), porte plainte en 1995. Finalement, le jazzman et son producteur toucheront 85 676 euros de dommages et intérêts, aux dépens d'Atlas, mais aussi de son coéditeur, EPM - dont le PDG a siégé jusqu'en 1998 au conseil d'administration de la SCPP. L'histoire finit mal : l'apprenti justicier a été exclu par le conseil d'administration de la SCPP. Motif ? Il ne le sait toujours pas. Au royaume de la musique la loi du silence continue de régner.

* Son logiciel se retrouve notamment chez KaZaA et chez Morpheus, des sites de téléchargement de musique en ligne logés aux Pays-Bas.


 

Les cinq tares du système de gestion des droits musicaux

Inefficace

Le système de redistribution des droits à un artiste est d'une lenteur et d'une lourdeur effroyables. Entre le moment où l'une de ses oeuvres est diffusée et celui où l'artiste touche son chèque, il s'écoule en moyenne treize mois et demi.

Incompréhensible

La Sacem récupère la quasi-totalité des droits des oeuvres musicales ou vidéo. Ensuite, une quinzaine d'autres sociétés les redistribuent à chaque catégorie d'artistes (musicien, comédien, producteur, etc.). D'où une incroyable explosion des frais de structure (25 % des droits collectés en moyenne).

Arbitraire

Logiquement, les sommes reversées par les radios à la Sacem devraient être proportionnelles à leur audience. C'est loin d'être le cas : France Inter, moins écoutée que NRJ, paye sept fois plus.

Sclérosé

Il n'existe pas de marché de la musique légale sur l'internet. Motif : les sociétés de droits n'arrivent pas à s'accorder sur une grille tarifaire acceptable. Un peu de patience : cela ne fait jamais que deux ans depuis que les négociations ont commencé... Pendant ce temps, les sites pirates prospèrent.

Corrompu

« Subventions » à des associations qui n'ont d'artistique que le nom, complaisances envers des producteurs indélicats... L'argent distribué par les sociétés de gestion des droits musicaux n'est pas rigoureusement contrôlé.


Des moyens artisanaux pour collecter les droits d'auteur

Achat de CD, diffusion à la radio ou copie privée, toute exploitation de musique implique le versement de droits d'auteur. Ces derniers sont collectés par la Sacem.

Radios et télés : à l'oreille

La Sacem enregistre aléatoirement ce que diffusent les radios et les télés pour vérifier les déclarations des chaînes. Ensuite, la commission des programmes écoute et pointe chaque morceau.

Disques et supports enregistrables : à la main

Les enquêteurs contrôlent les comptes des producteurs de disques et des fabricants ou des importateurs de supports enregistrables (CD-ROM, cassettes). Des audits qui ne peuvent évidemment se faire qu'à la main.

Musique dans les lieux publics : à pied

Près de 1 500 enquêteurs quadrillent en porte à porte les commerces de leur « zone de chalandise » afin de faire payer la redevance aux commerçants qui utilisent de la musique d'ambiance. Puis ils recommencent pour relancer les mauvais payeurs et coincer les fraudeurs.

Internet : tout en ligne (bientôt)...

D'ici à la fin de 2002, la Sacem mettra en ligne son service de « gestion des droits digitaux ». Cette interface devrait permettre à n'importe quel diffuseur de demander des autorisations en ligne, de calculer le montant des droits à reverser pays par pays... et de payer la note.


Les ex-radios libres moins taxées que les autres

Montant payé par les radios pour diffuser de la musique

 

   Reversement* 
pour 60 sec. 
de musique (1) 
 Audience 
(en nombre 
d'auditeurs) (2) 
 Revenu* 
d'un auteur 
(pour 100 000 auditeurs) 
       
 France Inter   63,57   5 100 690   1,25 
       
 RTL   59,73   6 435 450   0,93 
       
 Europe 1   29,64   5 053 020   0,59 
       
 RMC   1,83   905 730   0,20 
       
 Chérie FM   5,03   2 574 180   0,20 
       
 NRJ   9,33   5 863 410   0,16 
       
 RTL2   3,29   2 145 150   0,15 
       
 RFM   2,93   2 002 140   0,15 
       
 Nostalgie   4,85   4 337 970   0,11 
       
 Skyrock   3,29   3 241 560   0,10 
       
 Rire & Chansons   1,74   1 716 120   0,10 
       
 Fun Radio   3,11   3 861 270   0,08 
 

1. barèmes Sacem, janvier 2001.
2. moyenne par jour. Médiamétrie 75 000 radios, avril-juin 2001.
* en euros

Théoriquement, le système des droits reversés par les radios à la Sacem est limpide : de 5 à 6 % du chiffre d'affaires de la station. Égalitaire ? Non ! D'abord, le ratio n'est pas toujours respecté : France Inter, moins riche que les grandes radios privées, paie plus de droits. Ensuite, le ratio n'est pas très juste : un auditeur de France Inter rapporte huit fois plus aux auteurs diffusés qu'un auditeur de NRJ, et quinze fois plus qu'un auditeur de Fun Radio. Les ex-radios libres, qui ont bâti leur succès sur la diffusion quasi non-stop de musique, sont celles qui paient proportionnellement le moins ! 


Le logiciel anti-Napster est en rade

Larguée par l'Internet, la vieille Sacem ? Voire. Ses informaticiens avaient élaboré le moteur de recherche dont rêvent toutes les maisons de disques. Il pouvait tracer tous les téléchargements en mode http (à partir d'une page web), ftp (depuis un serveur dédié) et même via les réseaux peer to peer comme Napster ou Gnutella. Très efficace, selon Catherine Kerr-Vignale, administratrice de la Sacem, qui espérait bien coincer les plus gros consommateurs de MP3 pirates. Las ! La Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) a interdit l'exploitation du logiciel. Motif : l'adresse de l'internaute était facilement repérable. C'était bien sûr le principal intérêt du procédé...

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